Jean Luc Despretz - CPC 29 - |
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Ressources pour les enseignants des classes élémentaires
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Apprentissages géométriques aux cycles II et IIIJean François
Grelier
CRDP Midi-Pyrénées
A. Comprendre les difficultés dans l'enseignement
de la géométrie
On est en général très fier de rappeler l'inscription écriteau fronton de l'Académie, là où Platon dispensait son savoir: « Que nul n'entre ici s'il nest géomètre ! ». Eh bien il n'y a pas de quoi! Parce que ça peut vouloir dire que pour devenir savant, il faut d'abord être géomètre. Les gardiens du temple ont été irréprochables il a fallu montrer patte blanche, et aucun indésirable
n'est entré ! La géométrie est restée la propriété des spécialistes,
le signe distinctif des fins lettrés, et a su claquer la porte au nez
de tous ces effrontés qui prétendaient apprendre, c'est-à-dire essayer
de faire avant de savoir faire, avant d'être dûment estampillés comme
de vrais géomètres. Ceux qui apprennent ne savent pas encore, et ne sauront
qu'à la fin. L'apprentissage est cette période passionnante où on essaie
de faire sans en avoir les compétences, justement pour les faire émerger.
C'est un paradoxe, mais le paradoxe fondateur de la didactique, et c'est
peut-être en géométrie qu'on le voit le mieux à l'uvre. On a souvent l'impression que l'enseignement de la
géométrie est plus un tri de ceux qui ont spontanément des savoirs géométriques
que la prise en compte de l'ensemble des élèves. La responsabilité des
enseignants est pourtant d'organiser l'apprentissage de tous, de manière
qu'il ne soit pas nécessaire d'être déjà géomètre pour faire de la géométrie. Et les enjeux de l'enseignement de la géométrie sont
déterminants. Dans le développement des enfants d'abord. La géométrie
fournit des outils cognitifs fondamentaux, un langage de l'espace constitutif
de la culture nécessaire à tout être humain. Mais en didactique aussi,
car c'est le lieu idéal de rencontre entre savoir et savoir faire, entre
théorie élitiste et tourde main populaire. II s'agit donc de remettre
en perspective deux domaines socialement séparés, la culture technique
et la géométrie de salon. La géométrie est un lieu privilégié pour l'observation
des phénomènes didactiques. Elle permet d'analyser ces deux versants
de l'activité scientifique que sont les questions du comment et du pourquoi.
Le comment répond aux exigences pratiques de productions de biens, et
le pourquoi répond aux exigences culturelles de prise de sens sur le
monde. Or l'algèbre est le lieu du comment, alors que la géométrie est
beaucoup plus celui du pourquoi. La géométrie est également un lieu où on peut analyser
les rapports dialectiques entre le sensible et l'intelligible, entre
les données des sens et les principes de raison. Passer du perçu au
conçu, comment bien voir permet de mieux comprendre, et comment comprendre
permet de mieux voir, voilà ce qui est en jeu en géométrie. Enfin la géométrie permet de réfléchir sur les mérites
respectifs des méthodes déductives, magistrales et des méthodes inductives,
constructivistes. C'est sur le modèle déductif qu'était (qu'est toujours
?) organisé l'enseignement traditionnel des mathématiques : le maître
définit et développe son cours en défilant la pelote du fameux raisonnement
prétendument hypothético-déductif. Et ce n'est qu'à la fin de la fin
que les élèves sont conviés à « appliquer » ces règles dans des exercices
convenus où il s'agit surtout de restituer des exercices types. Mais à côté de ce savoir scolairement appauvri, à
l'école primaire, il y a d'autres activités où sont enjeu des savoir-faire
qui sont aussi d'ordre géométrique. C'es le cas dans certaines activités
d'arts plastiques, de technologie, et sans doute dans les activités
réalisées dans le cadre de « la main à la pâte ». Or le véritable lien créateur et fructueux entre ces deux types d'activités reste à trouver. La tradition géométrique se contente de définir, sans s'attaquer vraiment au problème de donner du sens aux concepts qu'elle pose, et les activités de récréations scientifiques donnent du sens, mais ne structurent pas les concepts qui restent la plupart du temps utilisés implicitement. II faut donc commencer par comprendre quelles sont les difficultés, c'est-à-dire analyser les obstacles auxquels sont confrontés les élèves dans l'apprentissage de la géométrie. Bachelard dit que l'on apprend « contre », pas « à la suite de ». Et il dit aussi que « Le travail scientifique demande précisément que le chercheur se crée des difficultés. L'essentiel est de se créer des difficultés réelles, d'éliminer les fausses difficultés, les difficultés imaginaires. » C'est ce que nous allons essayer de faire en distinguant - d'une part les faux obstacles subjectifs qui ne sont que les scories d'un enseignement magistral presque uniquement déductif, et dont il faudra se débarrasser en proposant une didactique alternative. - d'autre part les obstacles épistémologiques, les
vrais obstacles objectifs; il faudra les identifier pour les affronter
et en organiser le dépassement, car ils constituent le noyau des savoirs
géométriques. B. Les faux obstacles
1. Une tradition
magistrale et déductive a) La tradition élitiste grecque Dans la tradition platonicienne, « Que nul n'entre
ici s'il n'est géomètre ! », le savoir géométrique est constitutif de
l'homme, ontogénique dans le jargon philosophique, il n'est donc pas
à construire. Un bon cours magistral clair et rigoureux suffira à ordonner
un savoir déjà intuitivement là. Quelques définitions bien senties,
et le tour est joué ! C'est ce que l'on appelé la pédagogie de l'ostension,
la leçon de choses transposée dans le cours de mathématiques! Autant
cette méthode est licite sur des objets réels, où montrer donne effectivement
du sens, autant elle ne peut fonctionner pour des objets de pensée qu'il
faut construire intellectuellement. Outre le mode de présentation ostensif, une autre
des conséquences de cette tradition élitiste est que la géométrie n'est
qu'un prétexte pour montrer que l'on sait raisonner juste : il est clair
qu'au collège, la tradition classique consistait à remplacer un travail
sur les objets géométriques par un discours sur lés objets géométriques,
à la suite de la tradition euclidienne. D'où le rôle hypertrophié de la définition. II faut
définir beaucoup en géométrie, et la tentation est forte, plus forte
qu'ailleurs, de commencer par un lexique, d'accumuler les définitions
préliminaires, alors que les instructions précisent que ces apports
doivent être faits en quantité réduite, et « toujours en situation ».
Et bien sûr cette méthode ostensive refuse quasi par principe la manipulation
qu'elle réserve aux sciences physiques. b) La méthode déductive, du simple au compliqué On paie là un lourd tribu à la tradition cartésienne.
La méthode de Descartes propose de décomposer les problèmes compliqués
en sous-problèmes simples. Sur ce modèle un bon cours de mathématiques
doit présenter les problèmes découpés en autant d'étapes qu'il est nécessaire
pour que chacune soit sinon simple, du moins mémorisable. De même qu'en
lecture on faisait le b-a-ba, en géométrie, la logique d'exposition
était de partir du point, qu'on croyait simple alors qu'il n'était qu'élémentaire,
pour aller à la droite qui est un ensemble d'une infinité de points
alignés qui se touchent tous. Puis de passer au plan qui est une infinité
de droites parallèles qui se touchent toutes, et enfin à l'espace à
trois dimensions qui est à son tour une infinité de plans posés en couche
les uns sur les autres. Comme si pour définir une maison, on commençait
par définir la brique élémentaire ! Le problème ici, c'est que le passage du point à
la droite qui est considéré comme immédiat, est tout sauf simple. Pour
mémoire l'humanité a attendu le XIXe siècle pour avoir une théorie satisfaisante
de la continuité et de l'infini qui permette de caractériser la droite
mathématique ! Celle-ci est donc vraiment tout sauf naturelle, allant
de soi. c) Les séquelles des maths dites « modernes
» Quant aux maths dites « modernes » c'est la dernière
tentative en date (mais il y en aura d'autres !) du remplacement de
la géométrie par l'algèbre. La géométrie était devenue l'algèbre linéaire,
et on faisait de la géométrie avec des systèmes d'équation, sans avoir
recours aux figures. Le rêve ! Le seul (petit ?) problème, c'est que
l'immense majorité des élèves n'y comprenait plus rien (et peut-être
même des professeurs !). Le résultat, c'est que celui qui avait besoin de
la figure pour comprendre devait s'en expliquer en s'excusant, et qu'il
était regardé avec condescendance par tous les « bons élèves ». Pour
la petite histoire un des paradoxes de cet enseignement qui ignorait
le développement des enfants réels est qu'il était cautionné par une
lecture dogmatique de Piaget, le spécialiste du développement des enfants
! Et on est loin d'avoir mis ces choses-là au clair encore aujourd'hui. 2. Les dogmes géométriques a) La construction à la règle et au compas Là encore, nous payons un lourd tribu à la tradition
grecque. II y a là un dogme massif, incontournable, les figures doivent
se faire à la règle et au compas, sur papier blanc ! Cette construction
est bien sûr une excellente évaluation des savoirs construits, disons
enfin de collège, mais pour évaluer des savoirs, il faut d'abord les
avoir construits, et donc il faut ménager des espaces d'apprentissage
grâce notamment à la figure à main levée. Vouloir imposer le compas
toujours, et dans toutes les situations revient souvent à fermer la
porte de la géométrie aux élèves. Le lien, par exemple, entre la perpendicularité
et la construction de la médiatrice au compas est très indirect, et
ne peut apparaître qu'avec la maturité. b) Le leurre de la démonstration Faire de la géométrie, c'est savoir démontrer! C'est
du moins l'image traditionnelle de la géométrie. Or la démonstration
ne peut se concevoir que quand on connaît les objets sur lesquels on
est censé raisonner. Exiger la démonstration au collège revient souvent
à faire discuter à une assemblée d'aveugles des mérites respectifs du
vert et du rouge ! Savoir démontrer au collège consiste le plus souvent
à apprendre par cur la démonstration type, et à essayer de l'adapter
tant bien que mal au problème posé, le professeur se débrouillant pour
ne pas trop dépayser les élèves en leur posant pour les contrôles des
problèmes ressemblent étrangement à l'exercice-type vu en classe ! Mais la démonstration ne se justifie pas non plus
scientifiquement: c'est au mieux une tautologie, et dans tous les cas
un leurre. Prenons un exemple. On sait calculer l'hypoténuse d'un triangle
rectangle à partir des deux autres côtés en appliquant le théorème de
Pythagore. Démontrer consiste à calculer l'hypoténuse en disant pourquoi
on a le droit de la faire. Mais dire qu'on applique le théorème de Pythagore
n'est une preuve que pour la communauté qui l'admet. Une démonstration
rigoureuse, pour être universellement convaincante, devrait alors démontrer
aussi le théorème de Pythagore, et pour ce faire devrait utiliser d'autres
résultats admis par convention pour établir ce même théorème. On serait
alors contraint à une régression « hypothético-inductive », qui buterait
en fin de course sur les axiomes fondamentaux qui eux sont indémontrables.
La fameuse démonstration est donc au mieux une tautologie, au pire un
acte de foi. L'objectif des apprentissages géométriques au primaire
doit donc être avant tout de donner une culture des objets géométriques
et de leurs relations les plus simples : les reconnaître d'abord globalement,
apprendre à les décomposer en leurs éléments caractéristiques et mettre
en place le vocabulaire spécialisé au fur et à mesure qu'il se rend
nécessaire. Et ceci dans une ambiance d'argumentation qui est un raisonnement
authentique, mais hors du cadre figé de la fameuse démonstration. 3. Mais ne pas
jeter le bébé avec l'eau du bain Constater que la construction à la règle et au compas
et la démonstration sont des obstacles souvent insurmontables pour les
élèves ne doit pas nous empêcher de reconnaître qu'il s'agit là de savoirs
authentiques qui restent des objectifs à atteindre. On peut sans doute
fixer la construction à la règle et au compas comme un objectif de fin
de collège, et la démonstration comme un objectif expert qu'il n'est
pas raisonnable d'exiger au collège. Mais aussi comme des objectifs
lointains dont il faut préparer l'apprentissage au collège, et au primaire
... ! Comme un horizon qui structure parce qu'il montre la direction,
mais dont on reste pourtant toujours aussi éloigné, au fur et à mesure
qu'on s'en rapproche en avançant. Face à la pensée déductive qui commence par donner
la règle générale pour demander l'application à un cas particulier dans
un second temps, on a voulu travailler inductivement. La pensée inductive,
c'est au contraire partir d'une situation, la résoudre, et faire émerger
progressivement la règle qui intervient dans un second temps. Mais on
n'en est plus à opposer dogmatiquement déduction et induction. Car la construction de la pensée déductive est évidemment fondamentale. Se construire des règles permettant d'appréhender le monde réel et d'y intervenir de façon pertinente est finalement le seul objectif global de l'enseignement, celui qui résume tous les autres objectifs. Trouver des règles permet de mieux comprendre et d'étendre le sens. Le paradoxe pour les positivistes, c'est que cette pensée déductive se construit principalement de façon empirique, progressive, c'est-à-dire de façon inductive. D'autre part il n'est pas non plus tenable de vouloir
tout enseigner inductivement, parce que ça dépend des savoirs en jeu.
Il n'y a pas toujours une manipulation, une expérience qui permet de
faire émerger quasi naturellement le concept visé. Prenons l'exemple
de la symétrie. II y a deux symétries élémentaires, la symétrie axiale
et la symétrie centrale. La symétrie axiale se construit directement
à partir du pliage, moyennant bien sûr un traitement didactique rigoureux.
C'est même sans doute l'archétype du savoir qui se construit inductivement.
Par contre il n'existe pas de manipulation connue permettant de faire
vivre concrètement la symétrie centrale. Il y aurait la rotation de
180°, visible sur papier calque, mais c'est au mieux une validation.
Ca ne fait pas fonctionner la transformation point par point. En fait
c'est de façon déductive que l'on comprend la symétrie centrale, au
collège ou plus vraisemblablement plus tard. Grâce à la symétrie axiale
on construit un concept général de transformation avec la définition
du transformé et le langage adéquat, et dans ce cadre construit, on
définit une nouvelle transformation en ne changeant que la définition
du transformé. Mais ce travail mathématique ne peut se mettre en
place au collège que si on a commencé par construire une première transformation,
la symétrie axiale, de manière inductive, à l'école primaire. C. Les vrais obstacles
1. Appréhender
l'espace a) La représentation de l'espace: perspective
et patron Les mathématiques commencent quand on a trouvé un
espace de représentation où on peut évoquer la situation pour résoudre
le problème sans avoir besoin de vraiment manipuler. Et si représenter
les objets plats est immédiat, car il ne s'agit que d'une reproduction,
par contre représenter les objets de l'espace demande la maîtrise des
outils sophistiqués que sont la perspective et le patron. On est donc
dans une situation inconfortable où on veut faire des mathématiques
sur des objets que l'on reste longtemps incapable de représenter. b) Les trois espaces et leur relations On a l'habitude de distinguer trois espaces : le
micro-espace, le méso-espace et le macro-espace. Le micro-espace, c'est
celui que l'on peut toucher, et au milieu duquel il y a d'abord la feuille
de papier sur laquelle on s'exprime par l'écriture et le dessin ; c'est
l'espace vécu. Le méso-espace, c'est celui que l'on peut embrasser du
regard ; c'est l'espace perçu. Enfin le macro-espace, c'est le monde
qu'on ne peut appréhender que mentalement pardes représentations et
des reconstructions intellectuelles; c'est l'espace conçu. La géométrie
usuelle est avant tout la géométrie du micro-espace, celui des objets
que l'on peut représenter sur la feuille de papier. Et on a donc aucune
garantie que ce travail dans le micro-espace se transfère réellement
dans les autres espaces. 2. Formes et relations
spatiales a) Le langage de l'espace De même que la numération est un langage de la quantité
et de la mesure, la géométrie est un langage de la spatialité. C'est
donc un outil indispensable à la construction du citoyen. On peut donc
comprendre l'enseignement de la géométrie comme la construction du langage
de l'étendue et de l'espace, qui suppose donc l'apprentissage du lexique
et de la syntaxe spécifique à ce domaine. De ce point de vue les formes
seraient le lexique de l'espace et les relations en seraient la syntaxe.
Les formes, on voit assez facilement de quoi il s'agit, peut-être saisit-on
moins facilement ce que l'on entend par relations spatiales. Dans ce
domaine au primaire, il y a tout ce qui concerne le repérage, la positionnement,
l'orientation, les coordonnées, mais aussi le parallélisme et l'orthogonalité,
ainsi que les transformations, essentiellement la symétrie axiale, mais
aussi la translation et l'homothétie. b) Différencier pour réunir Construire du savoir géométrique signifie donc structurer des connaissances sur les formes, et structurer des connaissances sur les relations spatiales qu'ont les formes entre elles. Or dans l'environnement spatial perçu les formes sont intimement liées à des relations spatiales. Se posent une première question : doit-on conceptualiser d'abord les formes, puis ensuite les relations spatiales, ou d'abord les relations spatiales, puis les formes, ou les deux en même temps dans leurs rapports logiques. II n'est pas si facile de répondre à cette question, même si on va dire dans un premier temps qu'il s'agit d'organiser l'apprentissage croisé des formes et des relations entre les formes. Mais vient de suite une deuxième difficulté : les
formes se définissent justement en refusant l'environnement, par un
effort d'abstraction qui oublie toutes les propriétés physiques de l'objet,
mais aussi les relations spatiales. Et il faudra aussi identifier les
relations spatiales dans leurs spécificités, en les séparant des objets,
ce qui s'avère encore plus difficile. On doit donc séparer les formes
et les relations spatiales pour les conceptualiser alors que le sens
tient justement à leurs rapports mutuels. c) Objet ou trajectoire La figure géométrique peut modéliser diverses situations,
mais il en est deux qui ouvre deux univers complètement différents,
et qui pourtant se représentent de la même façon. II s'agit des objets
géométriques d'une part, et des trajectoires d'autre part. Dans un cas
on appréhende de l'étendue, et dans l'autre un déplacement. Tout le
travail sur le repérage induit l'aspect dynamique, celui des itinéraires,
des déplacements. Ce n'est que par une rupture que l'on peut passer
aux formes. Et quand on trace un segment, le crayon se déplace d'une
extrémité à l'autre. La représentation du segment a encore la mémoire
de l'action du traçage, et c'est pour cela que dans des descriptions
des élèves parlent « du trait qui part de A et va vers B ». Or construire
le concept de segment, c'est l'appréhender comme un tout, comme un objet
avec ses caractéristiques. 3. De l'objet au
concept a) Objet, représentation et concept La philosophie et la géométrie sont nées en même temps dans la Grèce antique. Ce que les grecs ont compris, c'est que le monde matériel se double d'un second monde virtuel, le monde des concepts. Et ce sont les mots, le langage qui permettent de passer d'un monde à l'autre. Et la philosophie, comme la géométrie travaille sur des concepts que la communauté des savants doit définir, puisqu'ils n'existent pas matériellement. Apprendre, c'est le processus par lequel on construit les concepts, par un travail de manipulation autour des objets et de langage autour des représentations. II suffit qu'un enfant rencontre deux ou trois chats pour qu'il construise le concept de chat. Les concepts de mathématiques ne se construisent pas aussi facilement, mais le processus est similaire : on part des objets, puis on les représente, et on apprend progressivement à les remplacer par ces représentations que l'on codifie, que l'on organise logiquement pour qu'elles finissent par exister indépendamment de l'objet matériel de départ. L'objet est là, et le concept se construit dans la tête. Mais ce n'est pas directement sur ces deux pôles extrêmes que l'on travaille. Les mathématiques ne commencent que quand on travaille sur des représentations sur papier de l'objet et du concept. Et ce sont ces représentations qui doivent être témoins et acteurs de l'effort d'abstraction qui fait passer de la notion floue au concept défini mathématiquement. II y a donc quatre instances géométriques - l'objet physique qui peut être présent ou imaginé. II convient d'organiser des allers-retours entre
ces quatre instances, mais sans les confondre. b) Voir le concept dans l'objet: apprendre à coder II faut donc passer de l'objet physique au concept
mathématique par cette opération empirique et universelle qui consiste
à classer des objets, puis à sélectionner un critère de classement,
et enfin à identifier ce critère comme une propriété caractéristique.
Pour repérer ces critères, il faut séparer le nécessaire du contingent,
du point de vue de la science géométrique construite. Et il faut donc
se débarrasser des caractéristiques physiques, matériau, taille, couleur,
mais aussi choisir les caractéristiques théoriques pertinentes, en particulier
se débarrasser de tout ce qui concerne l'orientation. C'est l'abstraction
au sens propre du terme. Cette opération va être plus ou moins difficile
suivant les concepts. Les élèves du cycle I apprennent facilement à identifier
globalement les formes du plan. La difficulté est de passer par la suite
de la description globale à la description locale par la construction
de concepts plus abstraits comme le sommet, le côté et l'angle. Mais
certains concepts sont purement mathématiques, et s'appuient difficilement
sur des objets matériels. La droite, par exemple est un concept très
abstrait, qui renvoie à diverses conceptions, et que la droite dessinée
au tableau résume mal. La droite mathématique est infinie, est parfaitement
rectiligne, et n'a pas d'épaisseur. Alors que la représentation que
l'on fait de la droite, au tableau ou sur son cahier n'est pas infinie,
et a un épaisseur, pour qu'on puisse la voir c) Voir l'objet dans la représentation : apprendre
à décoder D'autre part ce concept une fois construit sera représenté,
et ne s'offrira au regard que par le biais de sa représentation. Un
autre compétence à construire chez l'élève est la capacité à voir le
concept dans la représentation, c'est-à-dire à faire un apprentissage
du cerveau qui interprète l'image perçue pour la transformer en sens.
Quand l'oreille entend quatre-vingt-seize, c'est-à-dire 4- 20 -16, le
cerveau transforme cette donnée et produit l'image d'un 9 collé à un
6. De la même façon, en géométrie il faut apprendre
dans un contexte à trois dimensions à voir une boulle à travers le dessin
d'un cercle, à reconstruire l'objet à partir d'un dessin en perspective.
Mais plus simplement il faut aussi apprendre à détacher un polygone
du dessin de sa frontière, c'est-à-dire comprendre que cette frontière
de segments enchaînés ne sépare pas deux sortes de vide, mais le vide
de l'extérieur du plein de l'intérieur. De même dans l'espace, on représente les objets grâce
à leurs arêtes, ce qui privilégie un aspect de cet objet. Pour les reproductions,
les patrons sont un travail sur les faces, et c'est ainsi qu'on reconstruit
les objets dans l'espace, mais ces objets restent creux de l'intérieur.
Pour appréhender vraiment l'espace à trois dimensions, il faudrait apprendre
à réaliser des objets de trois façons différentes : réaliser les objets
dans un matériau plein, de la pâte à modeler, par exemple, ce qui mettrait
en valeur la dimension du volume, réaliser des patrons à partir des
faces, ce qui utiliserait la dimension des surfaces, et enfin réaliser
ces solides avec des pailles ou des réglettes, pour explorer la dimension
des longueurs. De même les angles sont rarement compris comme un secteur
infini du plan, comme une surface. L'apprentissage de la représentation, ce sont deux
apprentissages intimement liés : l'apprentissage du codage qui est un
savoir-faire pratique, et l'apprentissage du décodage de cette représentation
par le cerveau pour construire l'objet mentalement. d) Représentations surdéterminantes Mais une fois le concept identifié, une autre des
difficultés est d'éviter des surdéterminations qui sont en général liées
à des représentations dominantes qui peuvent être scolaires ou sociales.
Ainsi un carré a souvent pour les élèves une propriété supplémentaire,
celle d'être posé horizontalement, au point qu'il devient un losange
quand on le pose sur une pointe. Un rectangle a en général un rapport
de 1,5 à 2,5 entre la longueur et la largeur, ce qui fait qu'une bande
n'est en général pas identifiée comme un rectangle. 4. La construction
des relations spatiales a) Quadrillage, repérage et coordonnées Le quadrillage est un espace déjà mathématique qui
permet de faire de la géométrie dans un espace discret, et donc de remplacer
dans les tracés les instruments par du comptage. La difficulté est d'organiser
deux apprentissages croisés : celui des objets que l'on représente sur
quadrillage, et celui du quadrillage lui-même. Ensuite il faudra apprendre
à coder des déplacements, puis des positions dans un système de coordonnées. b) Perpendiculaires et parallèles Pour construire les concepts de perpendiculaires
et de parallèles, il va falloir rechercher les conceptions des élèves.
Une des difficultés est que ces relations s'appliquent à la droite qui
est un concept très abstrait, dont on ne peut avoir que des images concrètes
partielles au primaire. Ces relations spatiales se construisent empiriquement
dans des activités partielles, par touches successives, en organisant
l'apprentissage à partir des conceptions les plus signifiantes. Pour la perpendicularité, il faut sans doute distinguer le concept d'angle droit et celui de droites perpendiculaires. On peut recenser donc d'abord les différentes conceptions de l'angle droit, à peu près ordonnées des plus empiriques aux plus conceptuelles - le coin de la feuille Et pour la perpendicularité, les différentes conceptions suivantes - deux droites qui font un angle droit - les deux
côtés de l'équerre Pour le parallélisme, il y a également beaucoup de conceptions, certaines spontanées et d'autres construites qui se recoupent, se croisent et se complètent. - Le dessin de la pluie : sans vent, avec vent à
gauche ou à droite - les deux côtés de la règle II faut d'abord faire un travail théorique pour sélectionner
parmi toutes ces conceptions celles qui sont les plus fécondes, puis
monter des activités autour de ces conceptions. C'est en donnant ainsi
du sens par petites touches, puis en faisant une synthèse que l'on peut
espérer construire solidement ces concepts vraiment fondamentaux. c) Les transformations L'objectif reste de construire solidement le concept
de symétrie axiale, et on sait à peu prés comment s'y prendre. Mais
qu'en est-il des autres transformations ? La translation doit être abordée
justement pour la discriminer de la symétrie axiale, et la rotation
est sous-jacente à beaucoup de situations utiles aux apprentissages,
en particulier aux rosaces. Mais il ne semble pas possible, ni utile,
de structurer ces savoirs au primaire. D. Comment reposer le problème ?
1. D'un point de
vue théorique a) Repartir des instructions de 80 Nous citons en annexe (p. 100) les compléments au
programme de 85 qui reprennent le principal des programmes de 80, et
argumentent pour une géométrie active - CE QU'IL FAUT EN RETENIR Ce texte reste la référence. Il argumente pour la
démarche empirique qui part des objets physiques, en fait un objet d'étude
pour faire émerger progressivement les invariants qui seront les concepts
mathématiques, et cela reste évidemment le principe indépassable. Avant 80, on n'abordait traditionnellement la géométrie dans l'espace qu'en fin de 5e, comme si on pouvait naturellement étendre les propriétés du plan à l'espace. Le texte proposait d'inverser cette programmation, et de commencer au cycle I par les solides de l'espace, pour ensuite passer au plan par une observation des faces. Et ceci pour deux raisons parfaitement valables: d'une part les objets réels que l'on manipule sont à trois dimensions, alors que les objets du plan nécessitent une construction intellectuelle, et il y a moins de difficulté pour des élèves du primaire à raisonner sur des objets réels que sur des objets définis mathématiquement. Ensuite des notions fondamentales de la géométrie comme le parallélisme ou l'orthogonalité font un tel saut de complexité en passant du plan à l'espace que les connaître dans le plan est plutôt un obstacle pour les construire dans l'espace. Mais ce point de vue a parfois été compris de manière
radicale, ce qui n'est pas tenable. D'abord les élèves savent reconnaître
globalement plusieurs objets du plan à l'entrée du cycle II, et savent
même les dessiner facilement à main levée. Ensuite le travail sur les
solides qui est bien sûr indispensable, et doit effectivement être commencé
très tôt par des activités de classement, de description et plus difficilement
de reproduction, se heurte très vite à la difficulté de la représentation.
Aussi les compétences construites dans le plan aideront à la structuration
de compétences dans l'espace. Le débat n'est plus comme en 85 de savoir
dans quel ordre on doit mener l'apprentissage de l'espace et du plan,
mais bien d'organiser leur apprentissage conjoint. - REPRODUIRE, DÉCRIRE,
REPRÉSENTER, CONSTRUIRE Ces verbes d'action proposent la trame d'un plan
de travail sur les objets physiques. II s'agit d'abord de proposer une
tâche aux élèves, pour qu'ils soient acteurs de leur apprentissage.
Le cours dialogué, où le maître tient la classe en haleine par un jeu
savant de questions-réponses a montré ses limites, et reste pourtant
très présent en géométrie. Outre qu'il est épuisant pour le maître,
il demande aux élèves un effort d'attention dont les adultes sont incapables
au delà de dix minutes. Les élèves ne peuvent s'investir plus de dix
minutes que dans une tâche finalisée et à leur portée, mais qui demande
une recherche authentique. Et ce n'est que dans un travail complexe
que l'on peut apprendre à s'organiser, à développer des compétences
méthodologiques. La difficulté pour le maître n'est plus dans la classe,
mais avant la classe, dans l'organisation de vraies activités motivantes,
adaptés au niveau des élèves et aux objectifs disciplinaires. Les instructions de 85 restent précieuses, mais on
peut rajouter en préalable le verbe produire où les élèves pourront
s'approprier le matériel, et se constituer un magasin d'objets sur lesquels
des activités d'apprentissage -rythmées par les verbes d'action, pourront
se mettre en place. Produire: il s'agit de découvrir et de s'approprier le matériel, d'apprendre à l'utiliser pour produire des formes. La production doit être gratifiante, et autant que possible il faut prévoir que chaque élève puisse emporter chez lui un spécimen individualisé. On est là dans une activité de type technologique, où c'est le matériel qui induit la nature des objets produits. Reproduire : on va se proposer de reproduire les objets ainsi obtenus. On peut reproduire avec le même matériel, ou avec un autre matériel. On peut reproduire avec l'objet comme modèle, ou sur photo, ou sur croquis, ou sur description. On peut reproduire à l'identique ou à une échelle différente. On peut organiser l'activité avec un jeu de la marchande pour commander les pièces nécessaires à la reproduction. Décrire: on ne peut décrire que dans des actions finalisées. On a besoin de décrire avant de reproduire soi-même ou pour qu'un autre reproduise. On peut distinguer des descriptions quantitatives, où on classe et on compte les différents éléments, et des descriptions qualitatives, où on essaie de donner des indications permettant de reconnaître l'objet. On peut enfin écrire la recette de fabrication, mais c'est beaucoup plus difficile. Des jeux peuvent aider à mettre en place ces activités de description. Le jeu de la marchande, du portrait, ou les jeux de correspondance terme à terme. Représenter: c'est avec le passage à la représentation que commence l'activité mathématique proprement dite. II s'agit avant tout de garder la mémoire de l'objet. Pour pouvoir le reconstruire quand le matériel sera à nouveau disponible, ou pour résoudre un problème en l'absence de l'objet. II ne s'agit donc pas de rechercher l'exactitude de la reproduction, mais de trouver un codage commode qui va devenir le lieu de la métacognition. Et c'est là qu'il faudra faire l'apprentissage de la figure à main levée. Construire: attention, on est en pleine
polysémie. II ne s'agit pas du « construire » de la construction à la
règle et au compas. Ici construire est pris dans un sens très général,
il s'agit de réaliser un objet géométrique à partir de rien. C'est une
reproduction sans modèle, où on doit concevoir l'objet, et choisir le
matériel en fonction des contraintes du problème - LES JEUX GÉOMÉTRIQUES Les activités peuvent être de fabrication, en empruntant des procédés technologiques, mais aussi de langage souvent sous la forme de jeu. Les jeux suivants peuvent être montés Le jeu de la marchande: c'est le trait d'union entre la reproduction et la description. Pourfabriquer un objet, on peut avoir besoin de pièces que l'on peut commander dans un magasin. Pour cela il faut analyser la figure à reproduire, identifier les éléments à commander, les compter et les commander. On peut exiger un nombre exact de pièces - ni plus, ni moins - et on peut réaliser la commande par écrit sur un bon de commande. Ce bon de commande peut être proposé par le maître ou être élaboré par la classe. Le jeu du portrait : c'est un jeu qui peut se monter dès qu'on a une collection d'objets géométriques. Un élève ou un groupe d'élèves choisit un objet, et en informe le maître. La classe doit le deviner par un questionnaire discriminant. C'est aussi une activité méthodologique en ce qu'elle travaille suries inférences. Des activités de ce type peuvent également être menées sur fichier, la recherche d'un intrus dans une collection, ou la reconnaissance d'un élément dans une collection à l'aide d'indications. Le jeu du géoplan : on peut utiliser le géoplan en géométrie comme on utilise l'ardoise ou le vélléda en algèbre par le procédé Lamartinière. On pose oralement des petits problèmes à résoudre sur le géoplan. Chaque élève travaille sur son géoplan, et le lève au signal pour la validation. On doit également exploiter ce jeu pour formuler les propriétés en jeu, et pour argumenter. Les jeux de reconnaissance : dès qu'on a identifié
une catégorie d'objets de l'espace, on peut réaliser trois collections
différentes qui permettent de les manipuler. D'abord il y a la collection
des objets physiques, réalisés avec divers matériels. II y a ensuite
la collection des représentations sur papier de ces objets. Et il y
a enfin la collection des descriptions de ces objets. Le jeu consiste
à retrouver tout ou partie de ces correspondances terme à terme. On
peut ainsi retrouver dans une collection d'objets matériels celui qui
correspond à une description, ou alors dans une collection de description
celle qui correspond à un objet. On peut également rechercher les correspondances
entre une collection de solides et une collection de patrons. II y a
vraiment une infinité de variantes possibles à ces activités. La difficulté
consiste à adapter l'activité au niveau des élèves. b) Le schéma général
II s'agit d'éclairer les rapports entre le réel (la
partie gauche du tableau) et les objets de pensée - ici mathématiques,
qui permettent de l'appréhender (la partie droite du tableau) : vaste
chantier! Bien sûr le réel est un réel d'opérette, reconstruit pour
l'apprentissage. II s'agit de situations didactiques concrètes soigneusement
choisies pour faire émerger le modèle mathématique de résolution. Le passage de la gauche à la droite est la conceptualisation,
la construction des savoirs mathématiques, dans une démarche de type
inductif, du particulier au général, et le passage de la droite à la
gauche est l'application, dans une démarche de type déductif, du général
au particulier. Ne travailler que dans la partie gauche du tableau
reviendrait à résoudre les problèmes « en performance », sans conceptualiser,
donc à se comporter en animateur de centre aéré (ce qui est par ailleurs
très respectable!), et pas en enseignant. C'est la dérive qui ignore
les savoirs à construire, où la manipulation empêche le passage à la
conceptualisation. Mais symétriquement ne travailler que dans la partie
droite du tableau revient à faire l'impasse sur le sens, à n'enseigner
les mathématiques que comme une longue litanie de définitions, théorèmes,
règles à apprendre par cur, sans comprendre « à quoi ça sert ». Piaget nous est là d'un grand secours. On peut dire
très schématiquement qu'il distingue trois grands stades de développement:
le stade sensori-moteur, le stade des représentations et le stade des
opérations abstraites. Dans le premier stade, ce qui prédomine, ce sont
les perceptions qui se coordonnent aux actions. Dans le second, les
enfants sont capables d'inférences lorsqu'ils sont en présence des objets
matériels de leurs pensées. Dans le troisième ces inférences ne sont
plus soutenues par les objets eux-mêmes, mais par le langage et les
symboles. Si on prend l'exemple de la symétrie axiale, on voit dans
ces trois stades de manière transparente, le pliage, puis le pliage
pensé sur représentation, puis la définition mathématique de la symétrie
par la médiatrice. Et on ne peut certainement pas découvrir la symétrie
autrement que par le pliage. Mais on ne rentre vraiment dans la mathématique
que quand on aura appris à tracer le symétrique par la perpendiculaire,
c'est-à-dire sans plier. Le pliage pourra rester encore un moment un
moyen de valider, mais à terme il faudra s'en passer. Pour résumer cette conception des mathématiques du
primaire, on peut lancer cette formule : « Les mathématiques consistent
à apprendre à se passer de manipuler» II faut donc savoir associer à toute situation expérimentale
un espace de représentation où les élèves apprendront à coder ce qu'ils
viennent de manipuler. Ce n'est que dans cet espace de représentation
que les mathématiques peuvent vraiment se structurer. Avant, il s'agit
d'une manipulation -indispensable certes, mais qui serait stérile si
on en restait là. Dans cette phase d'apprentissage, on ne fait pas que
manipuler, on formule également, et le langage que l'on utilise contribue
à faire émerger les concepts à partir des conceptions spontanées des
élèves. Et c'est dans cet espace de représentation que le langage se
construira pour identifier les concepts à partir de leurs propriétés,
mais aussi pour apprendre à argumenter et à découvrir la puissance de
la pensée déductive. c) Du monde vécu au monde perçu, et du monde perçu
au monde conçu « Tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel » disait Hegel. C'est un peu ce mouvement qui fait passer de la perception au raisonné, du sensible à l'intelligible, dans un sens et dans l'autre, que l'on met en jeu dans la construction du savoir. La géométrie experte repose sur des définitions qui refusent tout argument d'évidence, elle se contraint à tout démontrer, à ne rien accepter sans en avoir une raison rationnelle. Or il s'agit pourtant d'appréhender l'espace physique, matériel, celui que l'on perçoit par l'évidence. II faut donc trouver le moyen de réconcilier ces deux pôles. Globalement, il s'agit d'abord de se décentrer en
passant d'un espace vécu à un espace perçu, et c'est l'enjeu des apprentissages
géométriques au cycle I, puis d'un espace perçu à un espace conçu, et
c'est l'enjeu des apprentissages géométriques aux cycles I I et III.
C'est cette problématique que l'on retrouve dans la représentation des
objets géométriques, où il faut concilier deux réalismes, celui du «
vu » et celui du « su ». Une représentation réussie, c'est une représentation
qui permet de reconnaître l'objet tel qu'on le perçoit, mais qui fait
figurer aussi les propriétés qui sont cachées. 2. D'un point de
vue pratique : un plan de travail a) Partir des contenus exigibles Nous n'avons ni les compétences, ni le temps d'évaluer
la pertinence des contenus exigibles. Nous sommes donc partis des programmes
pour penser l'organisation de vraies activités d'apprentissage susceptible
de permettre aux élèves de construire les compétences de ces programmes. b) Répertorier, inventer et tester des situations Le travail commence par répertorier les situations
où les concepts de géométrie sont en jeu, et à vérifier si elles permettent
tous les apprentissages exigés par les programmes. Puis il faut inventer
un nouveau matériel ou modifier du matériel existant pour couvrir tous
les apprentissages. Puis construire les situations de classe respectant
les temps d'apprentissage et de structuration. Cela signifie en particulier
que chaque matériel doit avoir au moins un espace de représentation
associé. Et enfin il faut tester ces séquences dans des conditions normales
de classe, et les rectifier en fonction des résultats. c) Réorganiser l'ensemble dans des progressions
cohérentes Cette partie du travail reste la moins avancée. Et présenter ces progressions sera le bilan qui pourra signifier que l'objectif de la recherche est atteint ... |